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De l’importance d’améliorer la réussite scolaire des garçons

Par Égide Royer, Ph. D. psychologue

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Dans un texte intitulé « Les couilles décrocheuses », le regretté Pierre Légaré, psychologue et humoriste, attirait déjà à sa façon, il y a une quinzaine d’années, notre attention sur une caractéristique incontournable de la réussite scolaire au Québec : elle varie selon le sexe. 

Depuis plusieurs années, je fais la même observation. Un de mes livres, Leçons d’éléphants : pour la réussite des garçons à l’école[1], porte d’ailleurs spécifiquement sur la réalité scolaire des garçons. Les données québécoises concernant leur réussite scolaire laissent pantois. De toute évidence, beaucoup trop d’entre eux éprouvent des difficultés d’apprentissage et développent des retards scolaires.

En adaptation scolaire, la majorité des élèves en difficulté sont des garçons. Il en est ainsi également de l’utilisation d’une médication pour composer avec les comportements difficiles et les problèmes d’attention des enfants et des adolescents : la majorité de tous les élèves sous médication sont des gars. Ils constituent enfin approximativement 80 % de tous les élèves exclus ou expulsés de l’école, une sanction qui contribue d’ailleurs directement à leur échec scolaire. 

La situation de la diplomation est aussi sérieuse. Par exemple, pour la cohorte des élèves étant entrés au secondaire en 2015[2], seulement 70,6 % des gars comparativement à 82,4 % des filles ont obtenu une qualification ou l’un des diplômes du secondaire après 5 ans (à l’école privée, les chiffres sont respectivement de 87,6 % et 93,2 %) Après sept années passées au secondaire (cohorte de 2013), pour l’ensemble du Québec, 22,5% des gars et 13,7% des filles ne possèdent aucune qualification ou diplôme[3]. Dans la MRC de Montcalm, à titre d’exemple, au CSS des Samares, ce sont 41,6% des gars et 29,5% des filles qui, après 7 années passées au secondaire, n’ont toujours pas obtenu une qualification ou un diplôme. On constate la même situation quant aux taux de décrochage (sorties sans diplôme) qui s’élèvent au Québec à 17,8% chez les gars et à 10,7% chez les filles. Ces proportions sont respectivement, au CSS des Samares, de 34,9% et 14,1%[4]. Comme le montre le graphique 18[5], cet écart entre garçons et filles a évidemment un impact majeur sur la proportion des jeunes qui poursuivent des études collégiales. 

Sommes-nous, en éducation, en présence d’un double standard inversé? Est-ce que, parce qu’il s’agit de gars, la situation est moins grave que s’il s’agissait de filles? Un poids, deux mesures? Pourtant, à la lumière des données disponibles sur le sujet, il est évident qu’en ce qui a trait à la réussite scolaire, et à l’accès aux études collégiales et universitaires, la parité gars-filles n’existe pas. 

Les explications de cette situation sont variées. Elles vont des stéréotypes sexistes adoptés par les gars en passant, banalement, par leur manque de motivation pour la chose scolaire. C’est d’ailleurs une entreprise toujours périlleuse d’établir des relations de cause à effet dans ce type de situation. Vous me permettrez de contourner cet écueil et d’être plus pragmatique.

Beaucoup trop de garçons développent des retards en lecture et présentent ce qui est rapidement identifié comme des difficultés de comportement. Dès la fin de la deuxième année, plusieurs perçoivent la lecture comme « une affaire de filles » et s’en désintéressent. Les problèmes d’attachement, d’opposition à la culture de l’école, qui apparaît mal adaptée à leur énergie et à leurs centres d’intérêt, sont aussi fréquemment mentionnés. 

Il est nécessaire de miser davantage sur ce qui fait qu’un gars est un gars (par exemple, ce besoin de bouger, de prendre des risques en jouant, etc.) plutôt que de combattre la masculinité, que ce soit en classe ou dans la cour de récréation. Si l’on croit au rôle de l’observation de modèles dans l’apprentissage, il faut aussi réaffirmer que nous avons besoin, dans nos écoles, d’une diversité de bons enseignants des deux sexes.

Plusieurs professions utilisent des listes de vérification. Elles contribuent à rassembler les étapes fondamentales d’une démarche et soutient son application systématique. Les chirurgiens et les pilotes d’avion, par exemple, ont compris depuis longtemps que ce type de listes comporte de nombreux avantages. Permettez-moi, à titre de conclusion, de vous rappeler, en utilisant ce type d’instrument, certaines mesures spécifiques que devrait mettre en place toute école voulant faire une différence quant à la réussite des garçons.

La réussite des garçons et des filles à l’école : une liste de vérification pour parents, décideurs et éducateurs avertis

 Dans notre école
1Nous mettons en place des mesures de prévention et d’intervention précoce auprès des élèves qui éprouvent des difficultés de langage de lecture ou de comportement. 
2Nous effectuons un dépistage systématique des problèmes émergents de comportement chez les garçons et les filles de 3, de 4 et de 5 ans.
3Nos enseignants reçoivent une formation sur la manière d’enseigner en tenant compte des différences de genre dans le développement, l’apprentissage et le comportement.
4Nous utilisons de manière systématique un « carnet de santé en lecture qui suit les garçons et les filles en difficulté durant tout le primaire, de l’éveil phonologique au préscolaire jusqu’au passage au secondaire. Nous assurons, autant au primaire qu’au secondaire, des services d’orthopédagogie pour les élèves qui présentent des retards et des troubles spécifiques d’apprentissage.
5Nous mettons en œuvre un programme de prévention de l’absentéisme et de l’exclusion des élèves de l’école (suspension et expulsion).
6Nous mettons en place des mesures pour augmenter à l’école la présence de modèles masculins de réussite et nous valorisons la contribution en éducation des hommes de la communauté.
7Nous offrons un mentorat d’une personne de même sexe au début du secondaire avec un suivi hebdomadaire pour les garçons qui risquent l’échec ou l’abandon.
8Nous prévoyons des moments privilégiés où les gars se retrouvent entre eux et les filles entre elles, particulièrement lors des activités parascolaires et des jeux libres.

[1] Royer (2010) Leçons d’éléphants : pour la réussite des garçons à l’école. Québec : École et Comportement.

[2] Ministère de l’éducation. Diplomation et qualification au secondaire 2021

[3] Idem, page 21.

[4] Ministère de l’éducation. Taux de sorties sans diplôme ni qualification en formation générale des jeunes 2021.

[5] Voir page 74 de https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/enseignement-superieur/plan-action_reussite-ens-sup.pdf?1631554079